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Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/26

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Fabio.

La terre est une mère bienfaisante, et elle nourrit ses enfants comme une mère.

Dinarda.

Quelle affreuse tempête !

Bernardo.

Vous, encore, un dauphin vous aurait secouru au besoin. Oui, si un dauphin sauva jadis de la fureur des ondes un musicien célèbre à cause de son chant, un autre vous aurait sauvé à votre tour à cause de votre rare beauté.

Dinarda.

Laissons cela. — Voyons, qu’allons-nous devenir tous les trois, maintenant que nous voici en Sicile sans argent et sans maîtres ?

Bernardo.

Il nous faut servir.

Dinarda.

Servir ?

Bernardo.

Oui, servir.

Dinarda.

Eh bien, je me ferai soldat, et je recevrai la solde du roi[1].

Fabio.

Moi je ne me ferai pas soldat, parce que le métier ne me plaît guère[2]. Mais si un capitaine d’infanterie veut me prendre avec lui, je porterai volontiers sa lance.

Bernardo.

Il faut donc que je serve aussi ?

Fabio.

Tout être créé en est réduit là.

Bernardo.

Quoi ! sans exception ?

Fabio.

Oui.

Bernardo.

Comment ?

Fabio.

Le roi lui-même sert en faisant son métier de roi, en établissant des lois et en rendant la justice. Le seigneur sert comme gentilhomme ou majordome ou valet de chambre, ou en remplissant bon gré mal gré quelque autre office. Le service du prélat consiste à veiller diligemment sur son église ; celui du gouverneur à bien administrer la province ; celui de l’auditeur à bien écouter les plai-

  1. Dinarda joue sur la ressemblance des deux mots soldado et sueldo.
  2. Autre jeu de mots sur soldar et quebrado. Littéralement : « Je ne veux pas me faire souder, parce que je n’ai jamais été brisé. »