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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/107

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des ornières, dans le morne carrefour, mi-prairie, mi-clairière, où s’élevait le pavillon des Bois.

La maison du garde des marquis de Hauthère, son air étrange de détresse et de mystère au bord de cette eau morte, au milieu de ce pré de foin et d’herbes folles pourrissant sous la pluie, et les hautes girouettes de son toit criant au vent d’octobre dans le silence épais, le silence complice des futaies assoupies comme ouatées de brume, sans échos et sans voix.

Dès mon entrée dans le haut vestibule, dallé de blanc et noir, l’impression que je pénétrais dans un drame inconnu s’accentua : la chambre qu’on m’avait assignée était située au premier étage et deux grandes fenêtres, drapées de longs rideaux d’antique soie déteinte, la faisaient vaste et claire au milieu de la tristesse de ce ciel noyé d’eau et de cette forêt morne ; et pourtant instinctivement, en passant le seuil, j’avais étouffé mon pas, comme en entrant dans la chambre d’un malade : il y flottait encore comme une odeur d’éther, de vieil éther ranci et partout, dans le lampas fané des rideaux de jadis, sur les fauteuils d’un luxe âgé et