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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/109

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lieues des pénibles impressions du matin, me réveillai-je à minuit dans ma chambre de la maison de garde, la nuque moite de sueur et le cœur étreint par le plus indicible malaise !

Froid du frisson de la petite mort, je me dressai sur mon séant ; on avait négligé de fermer les rideaux des deux fenêtres placées au pied de mon lit et, dans la chambre agrandie de silence, le clair de lune entré par les carreaux donnait mollement sur le parquet au ciel houleux comme une mer, la bataille des nuages chassés par le vent d’ouest et contre les vitres le pianotement de la pluie automnale, de la monotone pluie… ; tout à coup, dans la chambre voisine, un vieil air de gavotte chanta ; un air de clavecin si dolent et si pâle qu’on l’eût dit éveillé sous d’invisibles mains ; quelqu’un était là, dans la pièce à côté, derrière la cloison, cela était certain, et maintenant dans le silence et dans la nuit de la maison déserte, la musique d’abord tâtonnante se dégageait en rythmes nuancés et précis, musique d’antan, lentement exhumée, ariette, ou chaconne, aux grâces minaudières et fluettes, vieil air fardé de l’autre siècle :