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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/110

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Et qu’on croirait appris aux lèvres des portraits.

Mais j’étais bien, cette nuit-là, aux réminiscences des poètes tout à ma terreur grandissante, j’écoutais, dressé sur mes deux points crispés dans l’oreiller, et la sueur aux épaules avec l’angoisse atroce que quelqu’un allait entrer, quelque être de l’inconnu, qui rôdait à côté et dont les deux mains d’ombre s’attardaient en ce moment à un clavecin oublié dans la pièce voisine et prêt à défaillir, je sentais mon cœur flotter dans ma poitrine et mes yeux agrandis par la peur devenir somnambules, quand un grand souffle effleura mon visage et, à travers la soie de mes rideaux de lit étrangement froissés, une plainte, une voix d’âme pleura dans mes cheveux du coup hérissés droit.

« Emmenez-moi. Emmenez moi. »

La voix prononça la phrase par deux fois : fou d’horreur, j’avais bondi tout nu au milieu de la chambre ; alors j’entendis, oh ! très distinctement, le bruit d’une fuite de pas sur le parquet, le claquement d’une porte qu’on referme, le cri d’une clef tournant dans une serrure, et ce fut tout ; le clavecin à côté s’était tu et, dans ma chambre