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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/111

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éclairée par la lune, les rideaux de fenêtre, d’un rose glace, tombaient droits, sans un pli. Dehors la pluie avait cessé et, sur le ciel nocturne d’un gris laiteux et pâte, trois grands hêtres poussés près de la maison du garde balançaient leurs cimes bruissantes au vent frais de la nuit.

Le sang-froid m’était revenu ; le revolver au poing, j’allai droit à la porte de communication de la chambre voisine ; j’essayai vainement de l’ouvrir ; elle était fermée à double tour et résista à tout effort ; j’allai alors à celle du corridor, la clef que j’avais mise moi-même en dedans n’était plus sur la serrure et là je tentai, aussi, mais vainement, d’ouvrir : j’étais enfermé, la chambre était close.

Fiévreusement, j’allumai une bougie, passai un pantalon, un veston, enfilai des pantoufles et, ayant barricadé les deux portes, l’une d’une commode traînée au travers, l’autre d’une grande bergère au coussin ramagé de rose et vert pâle, je m’installai dans un fauteuil à la tête de mon lit et, les pieds enroulés dans une couverture, ouvris le dernier livre d’Anatole France, bien décidé à veil-