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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/129

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marchand de vins lui-même ; lui, le garçon, triomphant et faraud de son costume de zouave au lendemain de son congé, elle blonde et charmante du charme anémié et délicat des blondes et des Parisiennes ; c’étaient d’abord les repas pris dans la boutique du mastroquet pour avoir un prétexte à se voir, à se parler, l’amour naissant fatalement de ces entretiens, de ces rencontres ; l’idylle éternelle des amoureux de faubourg ; promenades le soir sur le talus des fortifications, à l’entrée des champs, longues stations aux étalages des boutiques et aux pitreries des baraques de foire et puis la brusque intervention des parents, la jalousie d’une sœur aînée, le départ de la fille brutalement rappelée à la campagne et mariée à un autre dans les huit jours, et le malheureux perdant soudain la tête, quittant sa cabane et battant le pavé de Paris pendant un mois sans argent et sans gîte, et roulant, triste épave, de garnis en garnis, morne, désespéré… et puis, un beau jour l’inanition, la détresse, l’absinthe, et peut-être les fièvres contractées au Tonkin, la pauvre cervelle humaine éclatant : les extravagances d’un être qui se détra-