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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/169

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de chez Marseille à la fête du Trône, un garçon de taille moyenne, trapu, un peu bas sur les jambes, mais des pectoraux et des bras superbes, une bouche lippue, le nez écrasé, tu vois cela d’ici, une tête de nègre blanc, une laideur de brute sensuelle et expressive ! Avec cela drôle au possible, tout l’esprit de la boue de Paris émaillé d’un argot ! mais d’un argot !

Mon tableau achevé, exposé et depuis longtemps vendu, il avait pris l’habitude du chemin de l’atelier et y revenait de temps à autre flâner, tirer sa flème comme il disait, tout en roulant des cigarettes… il faisait des poids dans un coin, s’escrimait avec mes fleurets contre le mur, moi je le laissais faire, il me divertissait ce garçon ; entre temps il me racontait d’inénarrables histoires, sa première maîtresse l’avait lâché, la seconde était à Saint-Lazare, une troisième lui faisait les yeux doux ; au demeurant le meilleur garçon du monde et la pire canaille de la terre, demi-saltimbanque, demi-souteneur, grinche au besoin, changeant de domicile comme de maîtresses, tantôt à Grenelle, tantôt a la Villette, suivant l’itinéraire des fêtes de