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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/20

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sais pas ? ma curiosité d’enfant était on ne peut plus surexcitée, mon père et ma mère échangeaient quelques mots à voix basse : Héloïse, qui servait à table, était interrogée.

— Et la petite porte les jambes nues et les cheveux sur le dos en désordre ; elle a des cheveux blonds ? demandait ma mère.

— Oui, madame, de très beaux cheveux blonds.

— Ce sont les Anglais, concluait mon père.

Ce jour-là je ne sus pas davantage.

Mais ce que je sus et à n’en pouvoir douter le lendemain, c’est que Sonyeuse et le magnifique jardin des Annonciades étaient dorénavant porte close pour moi : nous nous heurtions, ma bonne et moi, à une consigne inexorable : le vieux Bricard venait dans la journée réclamer la clef de la petite porte à mon père ; les étrangers rencontrés la veille au tournant d’une allée étaient désormais les hôtes du pavillon et du jardin ; M. le marquis avait loué Sonyeuse à ce couple d’Anglais et tout une armée de terrassiers, de charpentiers et d’ouvriers peintres y bouleversaient déjà communs et boulingrins.