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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/240

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pleure sa maîtresse et avec de vraies larmes ; morte, il porte la fleur qu’elle aimait, sur sa tombe, jardine pieusement autour des petits grillages, attendrit les parents du défunt d’à côté, et sa vie embellie d’images adorées et de légers fantômes de femmes s’écoule, mélancolique et douce, entre la chère amie d’hier et celle du lendemain, embaumée de regrets, frissonnante d’échos, palpitante d’espoir, nuancée de souvenirs !

— Un monstre, un misérable, un…

— Grand voluptueux et un grand savant, mon cher, car il a su mettre la Mort de compte à demi dans les opérations amoureuses de sa vie, su donner un corps à ses rêves en idéalisant ce fâcheux, le Souvenir ; et notre maître à tous, mon cher, quoi qu’on en dise, car il est le seul homme qui pleure encore sincèrement ses maîtresses, et le seul qui sache aujourd’hui savourer le regret, ce philtre et ce poison dont mouraient autrefois les amants des légendes, et dont vivent aujourd’hui les derniers amoureux égarés dans ce siècle, ce siècle d’incroyance et de lucre, où la seule phtisie et les seuls tubercules font encore mourir. »