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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/86

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donc, marchant bras dessus, bras dessous, dans le jardin de mon nouvel ami… Un peu maniaque, un peu hurluberlu même, l’ami Mesnil ; mais un toqué, non pas : un grand bon sens au contraire, et une grande délicatesse, qualité rare de nos jours… avec cela le meilleur cœur, et puis un si beau jardin que lui, boscot, je le vois même plus.

J’ai oublie sa bosse et ses petits yeux ronds, éraillés, sans sourcils et sans cils, sa perruque acajou, sa bouche usée, sans lèvres, et, promenant à mon bras cette petite pomme de reinette ridée, qui me vient à l’épaule et qui est le docteur Boismesnil, je ne vois plus que son grand, son beau jardin à la française avec ses allées droites, ses deux rangs de charmilles, ses rosiers hauts de tige, ses plates-bandes de giroflées encadrées de buis, et tout au fond sous les tilleuls en boulingrin de sa terrasse une double file de belles urnes Louis XVI, enguirlandées de thyrses et de masques de la comédie : urnes processionnant sur un terre-plein surélevé de dix marches, d’où le regard domine toute la ville. Avec Avranches