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Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/94

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idole, à vous, jeune homme, et vous avez bien raison, car il faut idoler quelque chose ici-bas. Je ne la voyais donc que rarement, aux trois bals de la Recette, où je venais exprès de Paris à Avranches par la guimbarde (et les voyages étaient alors coûteux et difficiles) et cela pour la regarder danser aux bras des autres, et peut-être un peu pour la visite que je lui rendais le surlendemain… Cette visite, j’y songeais quatre mois d’avance… et pourtant, de quelles épreintes au cœur n’étais-je pas bouleversé dès le seuil de ce boudoir. Oui… et cependant… avec quelle grâce et quelle aménité elle me recevait, elle, la divine et la plus belle… elle ne paraissait pas se douter de ma laideur.

Ah ! mon ami, qui n’a pas vu les femmes dans l’adorable et merveilleux costume de cette époque, costume qu’il est convenu de trouver grotesque aujourd’hui et auquel on reviendra, soyez-en sûr, qui n’a pas vu cela, ne connaît pas la beauté féminine. Les laides y étaient terribles, il est vrai, mais les jolies… c’était la nudité dans la décence et la décence dans la simplicité. Il fallait voir Mme Lafond dans l’un de ces étroits fourreaux de