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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/115

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ce n’est plus guère qu’un simulacre de ville, des façades de maisons criblées de toutes parts, laissant voir à l’intérieur des amas de décombres. Les obus ne cessent d’y pleuvoir comme grêle, surtout pendant les belles nuits de cette saison ; çà et là des cadavres d’avions autrichiens gisent une aile cassée, ou bien les deux, et le corps tout déchiqueté ; on croirait d’énormes phalènes mortes, comme celles que l’on voit par terre à l’automne, le corps déjà mangé par les fourmis. Et puis, un peu partout, des cassons d’obus, des morceaux de mitraille, et des grands trous, environnés comme d’éclaboussures… Cependant il y est resté des habitants, du moins des enfants et des femmes, car les hommes, hélas ! sont encore obligés de servir sur les vaisseaux de guerre de l’Autriche ; toute une vigoureuse petite population de pécheurs, au type parfaitement italien, malgré la longue occupation de l’ennemi héréditaire, des bébés très jolis à peau ambrée, que l’on fait rentrer la nuit dans les caves, mais qui le jour reparaissent pour gambader comme si de rien n’était. Tel quel, ce semblant de ville est charmant encore, avec sa flore si méridionale,