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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/146

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Mon logis a été retenu à l’hôtel Danieli, le seul resté ouvert depuis que la guerre a fait fuir la multitude des étrangers, un hôtel qui est en même temps un monument historique classé, l’un des plus beaux palais de l’ancienne Venise, — et c’est là précisément que j’avais vécu des jours lumineux jadis, auprès de la chère reine Élisabeth de Roumanie, il y a déjà une petite éternité de presque trente années…

Pauvre Reine, dont la vie ne fut qu’une longue et pompeuse douleur ! C’est son souvenir qui donne pour moi aux choses d’ici leur attachante mélancolie. Dernièrement, on l’a honnie chez nous, d’une façon injuste et inélégante, parce que, au moment de sa mort, elle s’est trop rappelé qu’elle était d’origine allemande. Tout à fait à son déclin, presque cloitrée, entourée d’habiles mensonges, trompée sur les responsabilités de la guerre, n’était-elle pas excusable de prendre le parti de son pays d’origine, à l’heure de si terribles crises. Oh ! elle aimait pourtant bien notre France et rêvait de rapprocher nos deux patries, je puis m’en porter garant, en lui rendant ici mon dernier hommage. Elle était