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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/147

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loyale, bonne, inépuisablement compatissante à toutes les détresses matérielles ou morales, toujours disposée à réchauffer contre son cœur les plus humbles et les plus dédaignés ; pour s’en convaincre, il aurait suffi de croiser une seule fois ses yeux clairs et doux. Pauvre Reine, qui dort maintenant dans un tombeau profané par la présence de l’implacable envahisseur, elle est morte à temps pour échapper à la suprême déception de voir la Germanie démasquer pour l’univers entier son visage de monstre. Devant tant de crimes, de férocités, de traîtrises, de mensonges, sa belle âme si nette se serait cabrée ; certes elle n’aurait pas manqué de suivre la même route que Celle qui lui a succédé sur le trône de son pays martyr, cette admirable Reine Marie, qui est devenue une sœur de charité et qui, hier, remerciait les Français par une sublime lettre.

Après l’accablant soleil qui surchauffait encore le Grand Canal, nous naviguions depuis un instant dans l’ombre et les sonorités tristes d’une étroite rue d’eau, entre de solennelles murailles du temps passé, très hautes, noirâtres et moroses, — quand soudain notre