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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/148

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barque s’arrête à un tout petit quai désert, devant une vieille porte basse, comme une entrée clandestine… Comment, le palais Danieli ! Est-ce possible ? Cependant oui, à mieux regarder, je reconnais bien cette sortie quasi mystérieuse, la seule qui donne dans l’eau ; c’est par là que, les nuits étoilées d’un été d’autrefois, je sortais avec la Reine et ses dames d’honneur, pour prendre place, aux lanternes, dans une belle gondole, et commencer une promenade lente qui se prolongeait tard, dans le dédale des canaux, sous les arches des ponts, et puis au large des lagunes ; tout de suite, au départ, on entendait préluder un quatuor de cordes et un quatuor de jolies voix, qui éveillaient ici des sonorités infiniment moins tristes que celles de ce soir, et cela partait d’une autre gondole qui toujours suivait la nôtre pour nous enchanter avec cette musique italienne qui, entendue la nuit et dans son cadre, peut devenir adorable. Au fond de quel lointain des années achèvent de s’évanouir pour moi ces nuits-là, qui comptent parmi les mille féeries de ma jeunesse…

On me donne un appartement où la tradi-