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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/158

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ont quitté leurs cadres épais aux profondes ciselures, laissant voir partout la nudité des vieilles maçonneries, des vieux madriers décrépits ; toutes ont été patiemment déclouées, puis roulées sur d’énormes bobines de bois, dont quelques-unes gisent encore sur les planchers ; toutes, même le Jugement dernier qui a dix mètres de large, sont parties pour de lointains voyages, et on les a cachées, dans le Sud de l’Italie, au fond d’inaccessibles caves. Cependant, pour attester encore que ce palais fut le plus beau de la terre, il suffit de l’étincellement de tous les cadres vides, sculptés en plein bois, dorés d’or épais, fouillis de rinceaux, de feuillages et de fleurs. Quand il s’agira de tendre à nouveau, de reclouer tant et tant de chefs-d’œuvre, sans abîmer les délicates frondaisons d’or qui les enchâssaient, quel travail ce sera, qui durera des années, qui ne semble même plus réalisable, à notre époque fiévreuse !

J’ai longtemps erré, au milieu du silence d’aujourd’hui, dans le dédale aux somptueuses tristesses ; j’ai revu même ces salles d’en haut, plafonnées toutes de fines et inextricables rosaces d’or, et ornées d’immenses