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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/167

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de femmes, mais sans les dominer de trop haut, car je ne suis qu’au premier étage. Elles sont certes moins jolies que celles d’autrefois, plus étiolées, plus exsangues ; — c’est que ce sont déjà, hélas ! les filles de celles que j’avais vues ici jadis, elles appartiennent à une génération suivante, plus usée, même avant de naître, par tous les absurdes surmenages de la vie contemporaine. Heureusement le crépuscule arrive à mon secours, pour jeter un peu d’imprécise illusion sur la gracilité de leurs silhouettes, sur la coquetterie de leurs châles dont les si longues franges, à leurs moindres gestes, ondulent comme des chevelures. Et puis voici que des petits orchestres de cordes préludent dans les cafés du quai, — et des chants dans une gondole qui passe, des voix faciles, entonnant de vieilles romances d’Italie ; même en temps de guerre, les beaux soirs d’été, à Venise, ne vont pas sans « sérénades »…


Maintenant le soleil est couché et tous les rouges du soir ont pâli. Les choses lointaines perdent leurs détails, s’unifient en masses d’ombre violette, plus nettement découpées