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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/169

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Plus un feu nulle part, en cette ville des fêtes aux milles lumières. Et je repense à ces vers de Musset, écrits, dit-on, dans l’appartement même que j’habite ce beau soir :

« Dans Venise la rouge, Pas un bateau qui bouge, Pas un falot. » C’est comme une Venise morte de mort subite ; dômes ou campaniles, en ombres chinoises, renversent leurs images dans tous les miroirs de l’eau, qui luisent encore en jaune pâle. Enveloppée de beaucoup d’obscurité et de silence, Venise va sembler dormir, mais des yeux de guetteurs ne cesseront de sonder le ciel. Et tant de femmes, dans leur maison fermée, réciteront devant la Madone des prières pour ceux qui se battent sur la haute montagne ou pour ceux que le cortège des léviathans vient d’emporter à travers la nuit, dans des directions que l’on ne doit pas dire…