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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/175

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menses dévastations ; je croirais que ce soir mes yeux s’ouvrent sur un tout nouveau décor, dont l’aspect n’est plus tolérable, — et l’indignation, la haine me remontent au cœur comme un flot… Fermes, vergers, hameaux, villages ou petites villes, c’est bien de fond en comble que tout a été saccagé, saccagé de manière que rien ne puisse servir à rien, et que rebâtir ne soit même plus possible, car tous les murs sont déjetés depuis la base et pas une pierre n’a été laissée en place ; quel acharnement il faut qu’ils y aient mis, et quelle patience infernale ! Le long de ce qui jadis fut des rues, les quelques lambeaux des façades, qui tiennent encore, vous regardent par des trous qui furent des fenêtres, mais n’ont plus ni contrevents, ni croisées et ressemblent à des orbites de morts n’ayant plus leurs yeux. Parfois des toitures, des plafonds arrachés ont fait jaillir, en s’écroulant, des poutres qui se dressent au hasard, comme de longs bras suppliciés qui se tendraient vers le ciel pour le prendre à témoin. Çà et là, les gorilles de Guillaume ont écrit, avant de se sauver, des imprécations qui font hausser les épaules par leur bêtise