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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/180

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sent d’ailleurs plus irrévocablement définitives ; qui donc, en effet, rebâtirait maintenant ces reliques de notre passé, dont s’ornait si joliment notre France ? Dans cette province, il y en avait justement d’adorables, et on sait que les Boches se sont acharnés sur elles à plaisir ; hier encore, les fleurs des champs, les gueules-de-lion, les touffes de coquelicots sur leurs murs écrêtés, masquaient un peu leur détresse ; aujourd’hui, au milieu de la pluie funèbre, il semble qu’elles demandent vengeance en pleurant. Les romanes, plus trapues, ont un peu mieux résisté à l’outrage ; les gothiques, avec leurs hautes ogives, leurs festons délicats qui enchâssaient des verrières, sont brisées en mille morceaux, brisées sans recours.

Ah ! voici par hasard un détail pour faire sourire au milieu de l’horreur. Des ouvriers-soldats, travaillant à replacer les ardoises d’une toiture pas trop démolie, sous laquelle sans doute ils auront à s’abriter quelques jours, ont suspendu une croix de bois au bout d’une ficelle. Dans un lieu où il tombe journellement des obus, cette petite croix de couvreur pour mettre les camarades en défiance