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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/181

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contre des retaillons d’ardoise, c’est drôle en même temps que touchant.

Depuis bientôt deux heures je roule en vitesse, et j’entre enfin dans la région de ces toiles d’emballage, grandes et légères, tendues pendant des kilomètres pour empêcher l’ennemi de voir ce qui se passe ou ne se passe pas sur nos routes ; de même que les écriteaux pour les gaz de mort, elles constituent un avertissement grave, ces espèces de mousselines qui se suivent à n’en plus finir ; elles disent : « Attention ! vous brûlez, vous y êtes ! Sans nous, les Boches à présent vous verraient. » Mais j’ai la pluie ce soir, la pluie toujours plus dense, et bientôt le crépuscule, qui me cacheront mieux encore. Cela devient un vrai déluge, et on sent un froid inusité, le premier froid de l’année, vous tomber sur les épaules, en même temps que le jour baisse avant l’heure, sous l’opacité des nuages. Je cours maintenant entre deux jets de boue, qui font des mouchetures sur les ruines, et du même coup éclaboussent les pauvres soldats, groupés dans les embrasures pour se distraire encore à regarder, faute de mieux, les convois en marche ; à