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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/183

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guerre, telle qu’on la faisait en ce temps-là, n’était qu’un jeu auprès de ce qu’elle va devenir bientôt, dans l’obscurité des nuits interminables, avec le froid et l’onglée. Oh ! pauvres petits braves, dont le courage pourtant ne faiblira pas, comment ceux de l’arrière osent-ils un instant détourner de vous leur pensée, se plaindre pour un manque de feu, pour un manque de luxe ou de confortable !…

Le crépuscule et la pluie, on dirait ce soir qu’ils se hâtent trop de m’envelopper, l’un excitant l’autre. Oui, je crois vraiment que je ne les avais jamais si bien vues, toutes ces désolations que je traverse et qui devraient cependant m’être familières. Indéfiniment elles passent, elles défilent en musique, à grand orchestre même, au son de plus en plus enflé du canon, des deux côtés de ma route. Et toujours c’est pareil, et ce serait pareil encore pendant cent ou deux cents lieues : villes, villages anéantis, ayant semé leurs pierres en chaos sur le sol, arbres sciés jonchant les vergers de leurs branches mourantes ; c’est cela maintenant qu’est devenue notre chère France, accommodée par la rage