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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/182

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cause d’eux, pour les éclabousser moins, je ralentirais bien l’allure, s’il n’était utile que j’arrive, utile même que j’aie commencé à rebrousser chemin avant la nuit close et que, pour éviter les collisions, je sois sorti à temps de la zone dangereuse où il est interdit d’allumer ses feux. À quoi bon d’ailleurs ralentir, quand il y a ces camions, toujours en files bruyantes et empressées, qui soulèvent des gerbes beaucoup plus épaisses et plus hautes. La boue, ça ne compte plus ; c’était l’affaire des premiers moments, parce qu’on s’en était déshabitué pendant toute une saison ; mais, après tout, on vit très bien avec cela ; qu’importe un peu plus ou un peu moins ? « On a même plus chaud là-dessous quand c’est bien collé ! », me dit l’un d’eux avec un bon rire. Et puis ils savent tous que, dans nos tranchées françaises, on est de mieux en mieux installé ; ce ne sont plus les trous d’angoisse des premiers hivers ; il y a moyen de se chauffer là dedans, de s’éclairer, parfois même de faire des enfantillages et d’oublier sa peine… C’est égal, quand on se rappelle, hier encore, ces beaux jours ensoleillés, ces belles nuits douces, il semble que la