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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/218

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immense zone des détresses, du froid, de la faim, des larmes, et des pauvres râles sans secours ? Je ne le crois pas, non, — et leurs cœurs seraient encore plus généreux, leurs âmes plus fermes et plus révoltées, si on pouvait les conduire un moment par là, soit au milieu des ruines de nos provinces du Nord, soit en Belgique, n’importe où, dans l’un quelconque des lieux où opère le Monstre de Berlin, grand tortionnaire de tous les nobles vaincus.

Eh bien ! ce qui se passe dans notre France, ou à nos portes, n’est rien encore, rien auprès de ce que subit cette brave petite Serbie, isolée comme une île au milieu des peuples atroces. La Belgique et nos provinces dévastées ont encore en elles-mêmes quelques dernières ressources et sont secourues, dans la mesure du possible, par nos admirables amis américains. La Serbie, elle, encerclée de toutes parts, n’a rien, ne reçoit plus rien de personne ; à peine trouve-t-elle des témoins de son martyre, qui puissent au moins soulever l’indignation du monde contre ses bourreaux. Sait-on que plus du quart de sa population a déjà succombé à la faim, au