Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/219

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froid, aux odieux sévices de toutes sortes ? Sait-on que cent quatre-vingt mille prisonniers serbes, dont vingt mille femmes et trois mille enfants, parqués comme un bétail de rebut dans d’immondes camps de concentration, en Autriche, en Allemagne, en Bulgarie, brutalisés du matin au soir, sans pain, pour ainsi dire sars vêtements, meurent chaque jour par centaines, après d’interminables agonies dont personne n’a pitié ? Vraiment on se figure être halluciné par quelque mauvais rêve quand on lit les récits — les récits officiels, signés, contrôlés, nombreux et divers de forme, mais concordant tous — des traitements infligés à ces prisonniers par les nations de proie. Leur arrivée d’abord, le crâne saignant de tous les coups de crosse donnés en route pour les faire marcher plus vite quand ils n’en peuvent plus, et le visage maculé par les crachats de mégères qui les guettent au passage. Et puis leur internement dans les mouroirs qui les attendent. (Je m’excuse d’employer ce mot mouroir, qui n’est dans aucun dictionnaire, mais que j’ai appris de matelots bretons et qui, n’est-ce pas, se comprend mieux