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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/268

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L’HORREUR ALLEMANDE

fait penser parfois à ces gâchis d’images entassées au hasard sur une plaque sensible que l’on aurait oublié de changer. Ainsi n’ai-je pas vu des Arabes de la Grande Tente campés dans des plaines de Belgique, parmi des moulins à vent de forme flamande, et des troupes annamites défilant sous des ciels de neige…

Aujourd’hui par exemple, dans un village de Champagne, — un malheureux village situé sur la ligne de feu et tout en vue des lorgnettes boches, — je me serais cru en plein Sénégal. On y dansait une furieuse « bamboula », sous un soleil du reste anormal pour ce pays et lourd comme un soleil d’Afrique. Le village, bien entendu, était « camouflé », c’est-à-dire à demi voilé du côté dangereux par des palissades en branchettes mortes et surtout par des tendelets en grossières mousselines, tellement qu’on l’eût dit pris sous de gigantesques toiles d’araignée. Les Boches, qui emploient les mêmes camouflages, connaissaient aussi bien que nous le plan des humbles petites rues d’ici et savaient parfaitement que, sous ces toiles légères, devaient parfois circuler des soldats, mais