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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/269

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SUPERPOSITION D’IMAGES

au moins ils ne les voyaient point, et cela les empêchait de tirer, aux moments opportuns, sur leurs rassemblements ou leurs patrouilles en marche. Il faisait chaud, chaud, invraisemblablement chaud pour un mois de mai du Nord, et l’air était plein de senteurs africaines apportées par les danseurs. Une centaine de soldats, noirs comme la nuit, prenaient leur récréation du soir, après les manœuvres et les travaux du jour, et ils dansaient avec la plus exubérante gaieté, comme s’ils n’étaient pas des exilés, guettés d’une heure à l’autre par la mitraille. Il y avait là, des spécimens de ces différentes peuplades sénégalaises au milieu desquelles j’ai vécu au temps de ma première jeunesse, des Ouoloffs, des Bambaras, des Kassonkés, reconnaissables les uns des autres pour mon regard jadis habitué, et, sur toutes ces figures aussi noires que du cirage noir, tranchait l’émail blanc des yeux qui pétillaient de vie, d’intelligence, de bonne humeur. Leurs officiers — d’anciens coloniaux qui les avaient connus et appréciés dans leur pays — circulaient amicalement au milieu d’eux et on sentait qu’entre chefs et soldats