Aller au contenu

Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bares tiennent toujours, bien entendu l’horreur augmente, et le canon tonne plus fort, mais sans empêcher les oiseaux de chanter. Une des étrangetés de ces déserts, improvisés en pleine France, c’est cette profusion de réseaux en fils de fer barbelés qui serpentent partout ; leurs inextricables lignes, larges d’au moins dix mètres, hérissées de piquants comme les chenilles de poils, se croisent, s’enlacent, pendant des kilomètres, à perte de vue, parmi les trop luxuriants herbages, et attestent le prodigieux travail de légions d’araignées humaines… Pour enlever tout cela, pour combler toutes ces déchirures de la terre, combien d’années faudra-t-il ? Sans même parler de rebâtir villes et villages, combien en faudra-t-il, d’années, pour ramasser tant de fer, pour emporter tant d’obus tombés comme grêle, et dont plusieurs, non encore éclatés, constitueront pendant longtemps une menace aux laboureurs ?

J’ai souvenir d’une rencontre, faite dans les ruines silencieuses d’un hameau, où beaucoup de giroflées jaunes avaient fleuri, imitant des dorures sur des pans de murailles, et où des lilas faisaient de magnifiques