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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/272

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dans la bacchanale des obus. C’était surtout la majestueuse cathédrale sur quoi s’acharnait la ferraille des Barbares et qui jamais ne m’était apparue si imposante, si dédaigneuse et si éternelle ; à cette distance, on ne se doutait pas qu’elle était criblée, on ne voyait que sa grande silhouette, demeurée intacte ; dans l’éloignement, qui restitue aux choses leurs proportions vraies, elle semblait singulièrement agrandie ; le reste de la ville s’était pour ainsi dire tassé à ses pieds, la haute taille de sa nef et de ses tours dominait tellement toutes choses, qu’elle avait l’air de se dresser seule au milieu d’un éboulis de négligeables pierres, sorte de rocher des siècles, sur quoi les épaisses fumées blanches des obus arrivaient de minute en minute, pour y déferler comme une mer…

Et jamais non plus je n’avais pris tant en pitié l’imbécillité de cette destruction. Oh ! pauvre, pauvre être, ce démoniaque de Berlin qui, depuis quatre ans bientôt, essaie d’assouvir sur cette église son dépit rageur et travaille ainsi, avec une inlassable bêtise, à graver en termes plus indélébiles sa propre ignominie dans l’histoire humaine.