Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/271

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heure de liesse, c’était d’avoir crevé le dernier de leurs tamtams rapportés de là-bas, et d’être obligés de se contenter de battements de mains pour rythmer la danse ; ils s’y mettaient du reste tous avec une amusante frénésie, jusqu’à meurtrir leurs petites mains, — qui étaient un peu inquiétantes d’être si noires, avec le dedans si rose… Rangés en cercle, ils menaient un puissant tapage autour des premiers sujets qui exécutaient, au centre, des contorsions prodigieuses en chantant des paroles enfiévrées d’amour ; le pâle printemps du Nord, ils le saluaient ce soir en délire, comme naguère là-bas leur printemps torride.

Et cependant, — oh ! quel contraste, quelle invraisemblance ! — derrière toute cette ardeur de contrées si lointaines, la grande toile de fond, que dissimulaient un peu les claies en branchettes mortes et les filets d’araignée en mousseline grise, la grande toile de fond, que l’on avait sans doute tendue là par erreur, était purement française et douloureusement tragique.

La grande toile de fond, c’étaient les vallonnements de Champagne, avec Reims