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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/57

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neuves de la pointe du jour affreusement déchirées par le plus sinistre des cris que le monde ait jamais connus ; aucune bête, ni le lion, ni l’éléphant même n’approchent de la puissance de cette voix-là ; en gémissements chromatiques, cela monte, cela redescend et cela remonte ; on dirait la fureur ou l’agonie de quelque monstre géant… Avant d’avoir compris, rien que d’avoir entendu, on est glacé et les cheveux se dressent… Ah ! oui, on sait ce que signifie l’aubade ; c’est la grande sirène d’alarme qui nous la chante, et cela veut dire : « La mort, la mort, voici la mort qui arrive là-haut dans l’air ! La mort, la mort, qui va passer sur vos têtes ! » Et aussitôt, de tous les côtés à la fois, éclate le tonnerre tout proche de l’artillerie. Ils n’ont pas fait traîner la riposte, nos canonniers veilleurs. Maintenant donc c’est devenu soudain une bacchanale d’enfer, mais dominée toujours par ce même gémissement initial qui avait tout déclenché, et on a envie de crier à la sirène : « Non, assez ! on a compris, faites-nous grâce, on aime mieux mourir que de subir tout le temps ce cri-là ! » J’ai entendu beaucoup de sirènes dans ma vie, et aujour-