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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/74

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du ridicule, c’est sérieux, et, outre-Rhin, cela passe sans faire bondir personne.

À l’heure qu’il est, que pense-t-il, ce gracieux personnage, en présence de la colossale partie qu’il a perdue ? Après tant d’années de préparatifs infernaux, avoir osé enfin la jouer, cette partie dont il attendait une apothéose, et n’aboutir qu’à une chute dans un cloaque sans nom, fait de sang, de boue et de cervelle humaine écrasée ! Qui dira les sursauts de dépit, les tourmentes de rage qui doivent agiter les ténèbres abominables de son âme ? Lui reste-t-il tout de même quelques sentiments un peu humains, quelques sentiments de remords ? Dans la solitude de ses nuits, quand il songe à tout le sang et à toutes les larmes dont il a arrosé la terre, entend-il monter vers lui l’universelle clameur de vengeance, avec la triste hurle exaspérée des mères sans fils, des femmes sans époux, des sœurs qui n’ont plus de frères ? Est-ce que parfois il ne s’épouvante pas de ce Dieu, dont il ne cesse pourtant de profaner le nom dans ses prières sacrilèges ? Avec cette sorte de mysticisme — qui chez lui semble avoir persisté quand même, sous on ne sait quelle