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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/93

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ces hommes coiffés du feutre à plume pointue, on dirait du théâtre conventionnel, une mise en scène du vieux temps qui serait même presque exagérée, mais charmante.


15 août.

Départ en auto, de la vieille ville romantique, pour le Carso sinistre et glorieux. Le Carso, c’est cette montagne qui ferme là-bas la vaste plaine et qui de loin est encore bleue comme toute montagne a le devoir d’être ; mais plus on s’en approche, dans des tourbillons de chaude poussière blanche, plus elle se révèle aride et nue, par places teintée de sanguine, ailleurs teintée de cendre ; elle est une zone géologique toute différente de celle d’en bas si magnifiquement verte, elle est une région maudite dont le seul aspect, même en temps de paix, serait inhospitalier et rébarbatif. Or, il faut se dire qu’au début des hostilités cette région de la pierre sèche, qui surplombe ici les plaines d’Italie, était bondée d’ennemis qui vous regardaient d’en haut, garnie de canons qui vous dominaient, et que nos Alliés ont été obligés d’attaquer cela d’en bas, sans un abri.