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Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/94

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Napoléon Ier, — qui était plutôt connaisseur en choses de guerre, on me l’accordera bien, — a constaté dans ses Mémoires qu’il n’y a rien à faire de ce côté-ci contre l’Autriche, si l’on n’est maître du Carso[1]. Et je soumets cette constatation si autorisée à certains stratèges de l’arrière, qui chez nous s’impatientent de ne pas voir les Italiens avancer plus vite : tout d’abord il leur fallait s’assurer de ce Carso qui était une formidable barrière naturelle. Et Dieu sait ce qu’ils y ont mis, ce qu’ils y mettent encore de sublime opiniâtreté et d’ingénieuse stratégie !

Après avoir dépassé l’ancienne frontière d’Autriche et pénétré dans la zone reconquise, nous arrivons au fleuve qui nous sépare de ce haut champ de mort que le Carso représente aujourd’hui. C’est l’Isonzo, un de ces fleuves traîtres des pays de montagnes, qui l’été ressemblent à de larges coulées de cailloux blancs, mais qui, dès les pluies d’automne, ou dès qu’un grand orage éclate, deviennent en quelques minutes des tor-

  1. Cela ressort surtout nettement de sa Huitième Observation, tome XXIX, page 343.