Aller au contenu

Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout réduits, tout gentils, et ne pesant plus, portés allègrement à l’épaule sur des bâtonnets, dans des petits palanquins en bois blanc, d’élégante et précise menuiserie ; et quand j’ai interrogé des Japonais sur le lieu des bûchers, ils m’ont chaque fois évasivement répondu : « Dans les montagnes… par là-bas… par là-haut… » Il n’y a donc que de la poussière humaine, ici, point de cadavres jamais, ni de décompositions, ni de forme affreuse, et cela supprime tout effroi sous ces ombrages.

L’heure du soir est l’heure par excellence, dans ces hauts cimetières où la senteur hivernale des feuilles mortes, des mousses et des lichens se mêle au parfum des baguettes d’encens allumées sur les tombes. C’est aussi l’heure où je conçois le mieux l’énormité des distances ; en regardant, du haut de mon tranquille observatoire, décliner le soleil du Japon, qui se lève à ce moment même sur mon pays, j’ai comme l’impression physique, un peu vertigineuse, de la convexité de la Terre, et de sa courbe immense. Et je me sens si loin, si loin, dans le crépuscule qui vient, que tout à coup