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Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/130

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Deux ans, à errer sur les mers de Chine ! Tous, expédiés de France en coup de vent, à l’annonce des affaires de Pékin, nous pensions que la campagne durerait six mois à peine. C’était volontairement que nous étions partis, nous les officiers, mais non pas les matelots. Forcés d’accepter, ceux-ci, leur destination imprévue, ils avaient laissé en suspens leurs humbles petites affaires, — des mariages, des baptêmes, des règlements d’intérêts, — d’ailleurs convaincus, comme nous, qu’on allait bientôt revenir…

Mais voici maintenant que cela durera deux années ! Et d’abord il va falloir passer tout un été mortel sur les eaux chaudes et souillées de l’embouchure du Petchili, être parqués là dans une caisse de fer où l’on respire par des trous, ne sortir de l’étouffante demeure que pour peiner au milieu des lames, sous un ciel accablant ! Bientôt, c’est inévitable, reviendront les dysenteries, les fièvres, et plus d’un sans doute ira traîner ou mourir dans quelque hôpital de la côte chinoise… Tel est l’ordre sans merci qui nous arrive. Adieu le retour !