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Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/151

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accompli entre nous, ne se lasse point de me traiter en gendre, pour maintenir au moins ce lien-là, faute de mieux.

Par ces froides pluies d’hiver, je passe chez elle des heures nostalgiques à entendre pleurer sa longue guitare, dans le silence de sa maison, dans l’éternel crépuscule de ses châssis de papier, devant ses rocailles verdies à l’ombre, ses arbres nains qui n’ont pas dû grandir depuis un siècle, son jardin de vieille poupée, où tombe un jour gris, entre des murs… Oh ! ce jardin de ma belle-mère, dont le seul aspect autrefois me donnait déjà le spleen au soleil d’août, qui dira sa mélancolie, sous le pâle éclairage de février !… Du fond de la pièce, où l’on est assis plus en pénombre, à écouter la petite musique de mystère échappée des cordes grêles, on aperçoit par la baie de la véranda une sorte de site sauvage qui dès le premier coup d’œil vous déroute par quelque chose de pas au point, de pas naturel. Sont-ce de véritables vieux arbres, sur des rochers, un véritable lointain agreste vu à travers une lunette faussant les perspectives ? Cependant