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Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/152

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on dirait bien que cela est tout petit et tout près. Plutôt ne serait-ce pas un décor romantique, découpé et peint pour théâtre de marionnettes, sur lequel un réflecteur laisserait tomber de la lumière verdâtre ? Pas un coin du vrai ciel ne se découvre au-dessus de ce paysage enclos ; mais le mur du fond, tout en grisailles estompées, à mesure que le jour baisse, finit par n’avoir plus l’air d’un mur ; il joue les nuages lourds, les nuages en linceul, amoncelés au-dessus d’un monde étiolé par la vétusté et qui aurait perdu son soleil.

Tous les jardins de Nagasaki ne portent pas au spleen comme celui-là ; mais tous sont de patientes réductions de la nature, arbres nains, longuement torturés, et montagnes naines, avec des temples d’un pied de haut qui ont l’air centenaire. Comment concilier, dans l’âme japonaise, cette prédilection atavique pour fout ce qui est minuscule, mièvre, prétentieusement gentil, comment concilier cela avec ce goût transcendant de l’horrible, cette conception diabolique de la bataille qui a engendré les masques et les cornes des combat-