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Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/161

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imbroglio dans le goût de Regnard ; une succession d’irréparables malheurs, arrivant à un pauvre époux qui passait son temps, un bougeoir en main, à chercher dans tous les recoins de sa maison des ravisseurs toujours introuvables. (Il est étonnant de constater qu’en aucun pays du monde ce genre d’infortune n’éveille les sérieuses sympathies qu’il mérite.) Tandis que les autres acteurs évoluaient et marchaient comme tout le monde, ce mari d’une si coupable épouse, tenant sa continuelle bougie allumée, sautillait perpétuellement à petits pas, sur la cadence gaie d’un air toujours le même, que l’orchestre entonnait dès qu’il entrait en scène.

Ces deux dames toutefois ne se retournaient point. Mais, tout à coup, celle qui avait la nuque si captivante se mit à secouer sa petite pipe contre le rebord de sa boîte, d’une main rapide et nerveuse : pan pan pan pan ! Et ce bruit, qu’une oreille inattentive eût confondu avec les innombrables pan pan pan pan des autres fumeurs de la salle, avait pour moi quelque chose d’unique, de déjà entendu mille fois,