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Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/274

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extravagantes, trop larges, trop somptueuses pour le frêle corps impondérable qui avait peiné à les maintenir. Cela volait gauchement et prétentieusement, jouet de la moindre brise qui d’aventure aurait soufflé ; cela restait, comme avec intention, dans le rayon de soleil, qui en faisait une petite chose éclatante et lumineuse, au-dessus de ce triste décor tout entier dans l’ombre morte. Et le voisinage de ce trompe-l’œil, qu’était un tel jardin de pygmée, donnait à ce papillon tant d’importance qu’il semblait bien plus grand que nature. Il resta longtemps à papillonner pour nous, à faire le précieux et le joli, sans se poser nulle part. En d’autres pays, des enfants qui auraient vu cela se seraient mis en chasse, à coups de chapeau, pour l’attraper ; mes petits neveux nippons, au contraire, ne bougèrent pas, se bornant à regarder ; tout le temps, les cercles d’onyx de leurs prunelles roulèrent de droite et de gauche dans la fente étroite des paupières, afin de suivre ce vol qui les captivait ; sans doute emmagasinaient-ils dans leur cervelle des documents pour composer plus tard ces dessins,