Aller au contenu

Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vers leur seconde patrie algérienne. Les matelots, eux, restaient ; pendant de longs mois indéterminés, leur exil devait durer encore. Et cela se passait, ces hourras et cet adieu, au fond d’un golfe étouffant de la mer Jaune, à la saison des orages de juillet, pendant l’horrible canicule chinoise. Notre Redoutable — tandis que son équipage, pour une minute, se grisait ainsi de juvénile enthousiasme — languissait immobile, semblait mort, entre les eaux couleur de boue et le ciel plombé ; et, comme chaque jour, ses murailles de fer condensaient la chaleur mouillée où s’anémiaient à la longue les robustes santés et pâlissaient les pauvres figures de vingt ans. Au contraire, le paquebot plus léger, qui allait emporter ce millier de zouaves, évoluait en ce moment avec un air d’aisance sur la mer amollie ; il manœuvrait de façon à passer à poupe de notre cuirassé énorme, pour ce salut que doivent à l’amiral ceux qui ont fini et qui vont partir.

Nous connaissions de longue date ces zouaves-là, et une sorte de fraternité particulière les unissait à nos hommes. C’est nous qui, l’année