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Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/64

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m’emmenait au clair des étoiles, entre deux rideaux sans fin de grands palmiers noirs ; mais non, je m’étais trompé, affirment les chronologistes, et ce matin seulement je verrai l’aube de ce siècle nouveau.

Aube de janvier, lente à paraître ; une heure se passe encore avant que les deux déesses, gardiennes de ma chambre, s’éclairent d’un peu de jour.

Mais quand enfin j’ouvre ma fenêtre, le Japon qui m’apparaît alors, indécis et comme chimérique, moitié gris perle et moitié rose, est plus étrange, plus lointain, plus japonais que les peintures des éventails ou des porcelaines ; un Japon d’avant le soleil levé, un Japon s’indiquant à peine, sous le voile des buées, dans le mystère des nuages. Tout auprès de moi, des eaux luisent, semblent des miroirs reflétant de la lumière rose, et puis, en s’éloignant, cette surface de la mer tranquille devient de la nacre sans contours, se perd dans l’imprécision et la pâleur. Des flocons de brume, des ouates colorées comme des touffes d’hortensia, enveloppent et dissimulent tout ce