Aller au contenu

Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

caine était ouverte devant moi. Ce piano, arrivé le matin, était une innovation à la cour de Tahiti ; c’était un instrument de prix qui avait des sons doux et profonds, — comme des sons d’orgue ou de cloches lointaines, — et la musique de Meyerbeer allait pour la première fois être entendue chez Pomaré.

Debout près de moi, il y avait mon camarade Randle, qui laissa plus tard le métier de marin pour celui de premier ténor dans les théâtres d’Amérique, et eut un instant de célébrité sous le nom de Randetti, jusqu’au moment où, s’étant mis à boire, il mourut dans la misère.

Il était alors dans toute la plénitude de sa voix et de son talent, et je n’ai entendu nulle part de voix d’homme plus vibrante et plus délicieuse. Nous avons charmé à nous deux bien des oreilles tahitiennes, dans ce pays où la musique est si merveilleusement comprise par tous, même par les plus sauvages.


Au fond du salon, sous un portrait en pied d’elle-même, où un artiste de talent l’a peinte il y a quelque trente ans, belle et poétisée, était assise la vieille reine, sur son trône doré, — ca-