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Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/174

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pitonné de brocart rouge. — Elle tenait dans ses bras sa petite fille mourante, la petite Pomaré V, qui fixait sur moi ses grands yeux noirs, agrandis par la fièvre.

La vieille femme occupait toute la largeur de son siège par la masse disgracieuse de sa personne. — Elle était vêtue d’une tunique de velours cramoisi ; un bas de jambe nue s’emprisonnait tant bien que mal dans une bottine de satin.

À côté du trône, était un plateau, rempli de cigarettes de pandanus.

Un interprète en habit noir se tenait debout près de cette femme qui entendait le français comme une Parisienne, et qui n’a jamais consenti à en prononcer seulement un mot.

L’amiral, le gouverneur et les consuls étaient assis près de la reine.

Dans cette vieille figure ridée, brune, carrée, dure, il y avait encore de la grandeur ; il y avait surtout une immense tristesse, — tristesse de voir la mort lui prendre l’un après l’autre tous ses enfants frappés du même mal incurable, — tristesse de voir son royaume, envahi par la civilisation, s’en aller à la débandade, — et son beau pays dégénérer en lieu de prostitution……