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Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/177

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La reine de Bora-Bora, autre vieille sauvagesse aux dents aiguës, en robe de velours.

La reine Moé (Moé : sommeil, ou mystère), en robe sombre, d’une beauté régulière et mystique, ses yeux étranges à demi fermés, avec une expression de regard en dedans, comme les portraits d’autrefois.

Derrière ces groupes en pleine lumière, dans la profondeur transparente des nuits d’Océanie, les cimes des montagnes se découpant sur le ciel étoilé ; une touffe de bananiers dessinant leurs silhouettes pittoresques, leurs immenses feuilles, leurs grappes de fruits, semblables à des girandoles terminées par des fleurs noires. Derrière ces arbres, les grandes nébuleuses du ciel austral faisaient un amas de lumière bleue, et la Croix-du-sud brillait au milieu. Rien de plus idéalement tropical que ce décor profond.

Dans l’air, ce parfum exquis de gardénias et d’orangers, qui se condense le soir sous le feuillage épais ; un grand silence, mêlé de bruissements d’insectes sous les herbes ; et cette sonorité particulière aux nuits tahitiennes, qui prédispose à subir la puissance enchanteresse de la musique.