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Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/198

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garements. Je comprenais pourtant qu’elle était perdue, perdue de corps et d’âme. C’était peut-être pour moi un charme de plus, le charme de ceux qui vont mourir, et plus que jamais je me sentais l’aimer……


Personne n’avait l’air plus doux ni plus paisible cependant, que ma petite amie Rarahu ; silencieuse presque toujours, calme et soumise, elle n’avait plus jamais de ses colères d’enfant d’autrefois. Elle était gracieuse et prévenante pour tous. Quand on arrivait chez nous, et qu’on la voyait là, assise à l’ombre de notre vérandah, dans une pose heureuse et nonchalante, souriant à tous du sourire mystique des maoris, on eût dit que notre case et nos grands arbres abritaient tout un poème de bonheur paisible et inaltérable.

Elle avait pour moi des instants de tendresse infinie ; il semblait alors qu’elle eût besoin de se serrer contre son unique ami et soutien dans ce monde ; dans ces moments-là, la pensée de mon départ lui faisait verser des larmes silencieuses, et je songeais encore à ce projet insensé que j’avais fait jadis, de rester pour toujours auprès d’elle.