Aller au contenu

Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Parfois elle prenait la vieille bible qu’elle avait apportée d’Apiré ; elle priait avec extase, et la foi ardente et naïve rayonnait dans ses yeux.

Mais souvent aussi elle s’isolait de moi, et je retrouvais sur ses lèvres ce même sourire de doute et de scepticisme qui avait paru pour la première fois le soir de notre retour d’Afareahitu. Elle semblait regarder au loin, dans le vague, des choses mystérieuses ; des idées étranges lui revenaient de sa petite enfance sauvage ; ses questions inattendues sur des sujets singulièrement profonds dénotaient le dérèglement de son imagination, le cours tourmenté de ses idées.

Son sang maori lui brûlait les veines ; elle avait des jours de fièvre et de trouble profond, pendant lesquels il semblait qu’elle ne fût plus elle-même. Elle m’était absolument fidèle, dans le sens que les femmes de Papeete donnent à ce mot, c’est-à-dire qu’elle était sage et réservée vis-à-vis des jeunes gens européens ; mais je crus savoir qu’elle avait de jeunes amants tahitiens. Je pardonnai, et feignis de ne pas voir : elle n’était pas tout à fait responsable, la pauvre petite, de sa nature étrangement ardente et passionnée.