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Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/218

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inexpliquée, qui est particulière au réveil, je retrouvai mêlées ces idées : le départ, quitter l’île délicieuse, abandonner pour toujours ma case sous les grands arbres, et ma pauvre petite amie sauvage, et puis, Taïmaha et ses fils, — ces nouveaux personnages à peine entrevus la nuit, et qui venaient encore, à la dernière heure, m’attacher à ce pays par des liens nouveaux…

La triste lueur blanche du matin filtrait par mes fenêtres ouvertes… Je contemplai un instant Rarahu endormie, et puis je l’éveillai en l’embrassant :

— « … Ah ! oui, Loti, dit-elle… c’est le jour, tu me réveilles, et il faut partir. »

Rarahu fit sa toilette en pleurant ; elle passa sa plus belle tunique ; elle mit sur sa tête sa couronne fanée et son tiaré de la veille, en faisant le serment que jusqu’à mon retour elle n’en aurait pas d’autres.

J’entr’ouvris la porte du jardin ; je jetai un coup d’œil d’adieu à nos arbres, à nos fouillis de plantes ; j’arrachai une branche de mimosas, une bouillée de pervenches roses, — et le chat nous suivit en miaulant, comme jadis il nous suivait au ruisseau d’Apiré……