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Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/250

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groupe d’indigènes assis à l’ombre, c’étaient des enfants et des femmes, dont les silhouettes obscures se profilaient sur la mer étincelante.

Mon cœur battait fort en approchant d’eux, à la pensée que j’allais voir cet enfant inconnu, déjà aimé, — pauvre petit sauvage, lié à moi-même par les puissants liens du sang.

« Celui-ci est Loti, le frère de Rouéri, — celle-ci est Hapoto, la mère de Taïmaha, » dit Tatari en me montrant une vieille femme qui me tendit sa main tatouée.

« Et voici Taamari, » continua-t-il, — en désignant un enfant qui était assis à mes pieds.

J’avais pris dans mes bras avec amour cet enfant de mon frère ; — je le regardais, cherchant à reconnaître en lui les traits déjà lointains de Rouéri. C’était un délicieux enfant, mais je retrouvais dans sa figure ronde les traits seuls de sa mère, le regard noir et velouté de Taïmaha.

Il me semblait bien jeune aussi : dans ce pays, où les hommes et les plantes poussent si vite, j’attendais un grand garçon de treize ans, au regard profond comme celui de Georges, et pour la première fois un doute amèrement triste me traversa l’esprit…