Page:Loti - Le Mariage de Loti, 1880.djvu/286

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Et je regardai Rarahu dont je tenais la main dans les miennes… De grosses larmes coulaient sur ses joues ; des larmes silencieuses, qui tombaient pressées, comme d’un vase trop plein……

— « Loti, dit-elle, je suis à toi… je suis ta petite femme, n’est-ce pas ?… N’aie pas peur, je crois en Dieu ; je prie, et je prierai… Va, tout ce que tu m’as demandé, je le ferai… Demain je quitterai Papeete en même temps que toi, et on ne m’y reverra plus… J’irai vivre avec Tiahoui, je n’aurai point d’autre époux, et, jusqu’à ce que je meure, je prierai pour toi…… »

Alors les sanglots coupèrent les paroles de Rarahu, qui passa ses deux bras autour de moi et appuya sa tête sur mes genoux… Je pleurai aussi, mais des larmes douces ; — j’avais retrouvé ma petite amie, elle était brisée, elle était sauvée. Je pouvais la quitter maintenant, puisque nos destinées nous séparaient d’une manière irrévocable et fatale ; ce départ aurait moins d’amertume, moins d’angoisse déchirante ; je pouvais m’en aller au moins avec d’incertaines mais consolantes pensées de retour, — peut-être aussi avec de vagues espérances dans l’éternité !

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